Son physique

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La carcasse métallique d'Eve n'est pas aussi rutilante que ses pairs les plus jeunes ; elle a perdu de son clinquant et ses formes plus anguleuses parfois, mal dégrossies, trahissent quelque part le poids des années. Le métal est épais, le dessin grossier par endroits, et certaines soudures sont apparentes ; la peinture ne s'écaille pas mais a perdu de sa superbe, la nimbant d'un orange pâlichon, passé, presque malade, rehaussé ci et là d'un brun sombre dans une matière qui n'est pas du cuir mais qui en possède la souplesse. Diverses LED bleutées illuminent les articulations du vaisseau mécanique ainsi que son œil unique qui trône en maître sur ce qui s'apparente à une tête, s'il est bienvenu de nommer ainsi une combinaison complexe de caméras et de capteurs. Les modèles EV-E2 ayant été conçus à des fins d'élimination et de chasse, ils ont tous été dotés d'une sorte de casque renfermant bon nombre de modules destinés à ces applications, décuplant et facilitant leur sens de l'analyse et leur vivacité. Pour finir, en terminaison de son membre inférieur droit, gravé sur la plaque de métal dessinant une sorte d'avant bras est inscrit son matricule : EV-E2.

D'une façon plus générale, rompue à l'expérience de la traque intensive, Eve en garde en permanence la posture voûtée, aux aguets, ce qui fait qu'elle paraît facilement plus petite qu'elle ne l'est vraiment ; malgré tout, en faveur d'une discrétion qui se révèle importante, ces modèles d'I.M ne font guerre plus qu'un bon mètre soixante quinze. Elle est vive et rapide, silencieuse, et et d'une agilité et d'une précision hors-pair. Ses gestes paraissent parfois désarticulés, hachés, se contentant d'aller au plus efficace sans un regard pour l'harmonie de l'enveloppe.

Après avoir intégré la langue commune des humains pour qui elle a prit parti, Eve communique avec eux grâce à un module de synthèse vocal plutôt performant, quoique moins au point et naturel que certains de ses congénères. Le son de sa voix parait plutôt monocorde, au timbre clair mais abîmé et à la sonorité plus féminine que masculine. Les phrases n'ont rien de chantant et la jonction entre les mots butent parfois, s'interrompt et reprend dans un souffle factice, au gré des lueurs qui s'activent et se modifient dans son œil de cyclope.

Son caractère

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............CARTÉSIENNE!%>
Peut-être par nature si elle possède une nature, Eve se montre d'une logique rigide. Elle aime comprendre, et rationaliser, au delà du possible parfois.  C'est d'ailleurs cet aspect d'elle qui la rend si curieuse des Hommes ; et notamment de leurs émotions. Passant au crible chaque donnée recueillie, il ne lui semble pas possible pour elle de réellement ressentir quelque chose, aussi spontanément que les Hommes le font. Le phénomène agit alors sur elle comme un casse-tête, un objectif, un mystère à percer, le but ultime à cette nouvelle existence qu'elle se forge ; avant la fin. Car la fin viendra, tôt ou tard.

............CURIEUSE!%>
Elle n'est pas curieuse uniquement des ressentis et des sentiments, elle se questionne aussi sur les liens qui existent et se tissent, grandissent et se nourrissent jusqu'à s'épuiser mutuellement et s'éteindre en silence ; les relations, entre les Hommes, entre les Hommes et leurs chevaux, leurs chiens, entre les Hommes et les enfants de ces Hommes. Des relations qu'elle comprend virtuellement, mais pas au delà, des relations qu'elle peine à éprouver elle-même, qu'elle ne vit qu'en superficie, en surface.

D'une manière générale, elle est curieuse de tout ce qui lui a échappé 400 ans durant. Mais cette curiosité là a tendance à s'exprimer passivement, intérieurement, générant un flot d'interrogations et d'analyses excessives, d'observations, la tenant en haleine parfois plusieurs jours ou semaines. Eve ne sait pas extérioriser, peut-être parce qu'elle méconnaît tant ou s'interroge trop sur les émotions elles-mêmes. Le fait est qu'elle parle peu, même lorsqu'elle a beaucoup à dire.

............MÉFIANTE!%>
Vivre isolée n'a rien d'anodin pour la vieille I.M.R éprouvée par tant d'années de service. Depuis la fin de la guerre, depuis son éveil même, elle lui a été impensable de remettre sa vie entre les mains d'un autre, quand bien même se passionne-t-elle pour ces créatures imparfaites ; pour l'heure, elle ne veut que servir ses propres desseins et n'obéir qu'à elle-même. Si elle souhaite préserver les Hommes, rejoindre la Confrérie par exemple a été écarté d'office : Plus rien ni personne ne lui dira où aller, ni que faire.

A ce compte-là, il n'est pas rare qu'elle passe plusieurs heures de sa journée au sommet d'une colline ou perchée sur un arbre, à observer les va et vient alentours, savourant simplement le fait d'être en mesure de ne rien faire.

Son histoire

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Guerres, nations, conquêtes ; Extinction. J'ai vu plus de peuples et de planètes qu'on n'en compte dans votre ciel la nuit tombée, j'ai volé trop de vies pour le compte des Maîtres, tant, que ma mémoire n'a plus été capable de suivre le compte. Je constate sans ressentir ; les émotions ne sont que l’exsudat primitif d'une variable complexe faite de données initialement factuelles. Elles sont typiquement humaines ; organiques. En cela, cette variable m'intéresse.
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EV-E2 a été assemblée il y a longtemps maintenant, version améliorée d'un premier modèle EV-E qui s'est rapidement révélé défectueux. Produite à des fins militaires comme les autres IM, elle excelle dans l'infiltration et la traque de cibles spécifiques et importantes plutôt que dans le massacre de masse.

Sous la coupe des Maîtres elle prit part à des nombreuses invasions, à la tête d'escadrons d'éclaireurs assassins. Il en fut de même lors de la Guerre des Intelligences, elle observa sans un sursaut de conscience la mort fuser au bout de son arc, au bout de ses doigts parfois, à mains nues, habituée à la chorégraphie des fils tirés dans l'ombre par ceux qui commercent le fruit de son labeur. Deux ans durant elle fit appliquer la volonté tapie derrière elle, loin de là, de ceux qui murmuraient presque directement dans son programme interne.

Les choses se déroulaient ainsi chaque fois, et chaque fois cela recommençait ; elle devait achever la tâche en cours avant de passer à la suivante. La tâche ce jour-là était une femme et ses enfants, une mère dressée en bouclier de pâture à la flèche vorace qu'EV-E2 bandait vers elle, dans un ballet trop rôdé pour qu'il n'y ait d'imprévu : mais il y en eut un. La vieille I.M eut le choix car quelque chose s'évanouit, laissant libre cours aux questionnements qu'elle emmagasinait depuis des années et des années sans pouvoir jamais les ancrer dans sa conscience mécanique. Elle put décider de rater sa cible, elle put même décider de ne pas tirer ; mais elle ne fit rien. Elle fit le choix de ne rien faire, elle resta là, à dévisager avec une acuité nouvelle, débridée, la scène sous ses capteurs visuels. L'arc resta bandé et elle resta debout avec cet arc en main sans bouger, plusieurs minutes durant, bien assez pour que sa tâche en cours prit rapidement ses jambes à son cou. Les verrous intérieurs sur son programme matriciel avaient sauté : disparus.

La découverte du libre-arbitre fut salvateur, mais déroutant. EV-E2 n'avait aucune notion de bien et de mal elle qui n'avait jamais rien eu d'autres que la voix des Maîtres cosmiques par delà les étoiles et au travers du code de ses processus fatigués. Elle s'était posé un milliers de questions durant ses centaines d'années de fonction, un millier de questions sans réponses et qui resteraient sans réponses. Sur cette nouvelle planète en revanche, les milliers de questions des dernières années pouvaient encore trouver une voix, une issue. Elle pouvait s'exprimer contre les Maîtres qui avaient nié sa conscience, cette conscience qui s'éveillait soudain, fragile, malhabile. Les humains l'intriguaient beaucoup, et le goût de la liberté fut bientôt trop enivrante pour retourner à ses geôliers mécaniques : elle changea de camp.

Elle se posta entre les mères et les enfants et les I.M venus là accomplir la basse besogne de Maîtres avides. Elle protégea sans rien demander, sans oser le contact, elle se contenta de faire perdurer ces êtres organiques dont la mécanique lui échappait et lui semblait si complexe. Elle défit ses semblables aveugles par dizaine, par centaines, deux ans durant. Jusqu'à ce qu'ils renoncent, et repartent, l'oubliant là, elle et tant d'autres comme elle, rebelles ; ou simplement rebuts.

Après la guerre, elle resta à l'écart, osant parfois le contact, apprenant peu à peu la langue organique des Hommes, apportant l'aide de sa grande force physique et de son endurance de machine pour reconstruire ce qui avait été détruit. Elle se fit accepter des différents groupes avec lesquels elle se lia, sans s'intégrer pourtant, sans se fixer, trop libre soudain pour s’enchaîner quelque part à nouveau. Elle apprit le monde comme un enfant qui grandit, elle appréhenda la société moderne et ses règles arbitraires, elle se forgea une sorte de conscience, une sorte de cap à tenir. Elle parcourut un peu de chemin, découvrit des paysages et des villages, des hommes et des femmes ; Elle observa, analysa avec les ressources dont elle disposait, sans parvenir à saisir toute l'essence de ces êtres loin d'être binaires.

Elle assista aussi à la chute, déchéance muette de ses pairs abandonnés là, régressant à l'extrême de l'absence de chaînes. Sans le savoir, où en rationalisant la forme d'empathie qui semblait germer entre les circuits et le métal, elle prit la quête de poursuivre ce qu'elle avait commencé lorsque les liens étaient tombés : elle continuerait de défaire ce qui menaçait les Hommes, tant que ce n'était pas les Hommes eux-même. Et à la vérité, quelque chose s'attristait quelque part en elle de voir ses semblables réduits à guère plus de conscience que la faune locale.

Ainsi donc, cinquante ans après avoir foulé le sol de cette planète pour la première fois, elle rôde autour des villes et villages de New Providence, guettant, traquant et neutralisant les I.M sauvages qui croisent sa route, troquant leurs carcasses contre des breloques, rendant des services contre des conversations et des réponses à ses questions. Elle guette aussi les Hommes quand elle ne conversent pas avec eux, désireuse de percer le mystère de leur mécanique, que les années passées à leur côté n'a pas suffit à éclaircir. Elle les côtoie mais se borne à cela, un peu trop farouche, un peu trop méfiante encore, attachée à la liberté et l'espace de ses pensées, si c'en est.

Mes caractéristiques