Mon physique

Mon pote Buddy, c'est une armoire à glace. Quand je dis qu'il regarde les gens de haut, c'est pas pour le critiquer - c'est un fait. Je connais pas beaucoup d'IMR qui dépassent les trois mètres. Devant nous - enfin, lui surtout - la foule s'écarte de peur de se cogner contre la carcasse de Buddy. Et pourtant, lui, il ne se cogne jamais - il a beau avoir le pas pesant, déterminé, il se meut avec une fluidité étonnante, il fait attention à tout. C'est vrai qu'il n'en donne pas l'air, mais il a constamment les sens en alerte, et je suis là en soutien pour lui passer le mot si moi aussi je vois quelque chose qui ne va pas.
Déjà, avec sa taille immense, c'est difficile de le rater, mais comparé aux autres IMR, il est aussi reconnaissable entre mille à cause de son style. Vous voyez, Buddy est un peu old school. Son châssis métallique est anguleux et certains modèles plus récents d'IMR disent même qu'il est brut de décoffrage. Moi je dis qu'il est juste sans fioritures. Le style carré est certes démodé, mais il a fait ses preuves en termes d'efficacité. Pas de lignes épurées, pas de lissage - rien que du bon métal, recouvert d'une peinture bleue métallique qui s'écaille ; au fil du temps, on est passés par plusieurs teintes.
Avec son poitrail large et blindé, percé d'un ventilateur en son milieu, ses grandes plaques d'épaules et les ailettes qui servent à déployer sa cape holographique, même sa silhouette est imposante, voire écrasante. En fait, c'est surtout une impression - Buddy est plus léger et leste qu'il ne le laisse croire, et sous sa carapace d'exo-métal, il est bien plus rafistolé qu'il n'en a l'air. Il a dû en baver pour se réparer lui-même après la nuit où on l'a laissé pour mort. Sa carcasse abîmée, segmentée à la cage thoracique lui donne l'air d'un squelette humain, animé par des rouages qui crissent parfois. Son visage intimidant, avec ses yeux étroits qui le font paraître déterminé, est encore plus impressionnant avec les cornes qu'il a sur les côtés - elles sont purement décoratives, de ce que j'en sais. Il a des membres assez fins, qui grincent quand il les soulève, mais chacun véhicule assez de force pour m'agiter comme si j'étais une simple baguette de bois. Derrière lui, une cape holographique ondule au vent - elle a parfois quelques bugs graphiques et l'image saute, mais il n'y a d'après moi pas de meilleur atour pour incarner ce que nous sommes - un genre de chevalier errant.

Eh oui, c'est moi sur la photo. Sever Six, l'épée de la vengeance contre les Sept Familles, avec cette forme si particulière en forme de fourche à double tranchant. Aussi effrayant que ça puisse paraître, mes bords luisent comme s'ils étaient incandescents - c'est normal d'avoir peur. Vous aurez sûrement remarqué l'énorme cercle sur ma garde, qui vous fixe depuis tout à l'heure ; c'est mon œil, figurez-vous. Oui, je regarde souvent les gens de travers - et pas seulement parce que Buddy me tient dans tous les sens - mais quand on connaît la haine qui m'anime, il y a de quoi comprendre mon humeur, je vous assure. Oh, et avant que l'idée ne vous vienne : je suis bien trop lourde pour vous, pas la peine d'essayer de me soulever.

Et maintenant, le twist: notre Destroy mode. Buddy et moi sommes liés, c'est normal qu'on se déchaîne ensemble.
Quand ce mode est engagé, on devient la rage incarnée. La cape de Buddy se mue en ailerons rougeoyants, tels des lames de feu, tandis que son ventilateur ventral rugit et crache des étincelles. Les plaques de son corps s'écartent légèrement, le faisant apparaître encore plus imposant et laissant voir à l'intérieur le rouge du feu qui nous anime, et vu qu'il est un peu encrassé, il n'est pas rare que le corps de Buddy laisse échapper des panaches de suie. Ce mode le libère de toute contrainte et dérouille ses articulations - cela doit lui faire autant de bien de se déchaîner que ça m'en fait à moi.
Moi, je sors enfin mes lames cachées depuis trop longtemps - elles sont six, deux à la garde, deux au milieu et deux à la pointe, et je révèle alors ma nature multiple, puisque je me sépare en deux, permettant à Buddy de manier chacune de mes moitiés dans une de ses mains. Et pour couronner le tout, moi aussi je m'enflamme, littéralement! C'est tellement grisant… Quand on entre en Destroy mode, on devient un vrai ouragan de rage, de métal et de flammes.

Mon caractère

Il y a un mystère dans tout l'Ouest qui mérite d'au moins s'y pencher, d'au moins s'émerveiller et se questionner sur la profondeur de ce mystère, et c'est ce qui peut bien se passer dans l'esprit de mon pote Buddy. Buddy, c'est un artiste. Un vrai virtuose. Vous le verriez me brandir et me manier comme si j'étais une extension de lui-même… Chaque fois, c'est comme si j'allais au paradis.
Buddy, il a un cœur gros comme ça. C'est lui qui m'a rafistolé quand ces sales truands nous ont désossés et laissés comme bons pour la casse, alors même qu'il ne lui restait plus qu'un bras. Il mettrait sa vie en jeu pour protéger ses amis, et il se trouve que ses amis, c'est moi. Il a promis de me venger, et depuis, on est inséparables, c'est ce qui nous pousse à aller de l'avant. Je n'ai jamais vu autant de passion animer une I.M.R. comme ça.
Et pourtant, Buddy est du genre impénétrable. Son vocodeur est resté cassé après cette nuit-là - et je n'ai jamais entendu sa voix ni su vraiment décrypter ce qu'il pense, mais à quoi bon… Je suis son arme, c'est mon bretteur… Ce genre de relation n'a pas besoin de mots pour la décrire.
Je crois que Buddy est un poète. Je le vois souvent regarder dans le vide, ou fixer la lune d'un air rêveur, comme s'il était nostalgique de son passé - un passé que je suis censé connaître, mais depuis cette nuit-là, la mémoire me fait terriblement défaut… Et pourtant, parfois, je le vois rire aux éclats pour des broutilles…
S'il y a bien une chose qui le met en rogne, par contre, c'est une promesse brisée. Il devient fou furieux quand quelqu'un ne respecte pas sa propre parole, et c'est quelque chose de voir ça. C'est très subtil - en fait, il a l'air très calme, mais l'instant d'après, couic, il vous coupe en deux sans prévenir. Je crois que c'est parce qu'il ne veut pas froisser les gens. Contrairement à moi, il est très poli.

Enfin bon, il y a sûrement beaucoup de choses à dire sur mon pote Buddy, mais c'est lui qui sait mieux que moi. Je vais vous parler de moi plutôt - vous saurez tout sur Sever Six!

Si vous vous demandez à quoi peut bien penser une épée dotée d'une IA, je peux vous en toucher deux mots. Nous autres, les IMR, on a été conçus avec des intelligences émotionnelles plutôt linéaires - vous voyez ce que je veux dire, on n'est pas trop du genre sentimentaux. Mais moi, j'ai été bricolé à partir des restes de six gars, et je peux vous dire que ça cogite sec sous mon capot.
On me pose souvent la question - est-ce que c'est ennuyeux d'être une arme? Moi je réponds qu'il n'y a pas de vie ennuyeuse ou amusante. Si je devais résumer ma vie aujourd’hui, je dirais que c’est d’abord une rencontre. Buddy, cet I.M.R. qui m’a tendu la main à un moment où j’étais éparpillé, en petits morceaux. C’est assez curieux de se dire que le hasard, les rencontres forgent une destinée… Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, et qu'on ne trouve pas le bon bretteur je dirais, ce bras qui vous aide à avancer... Mais ça n'est pas mon cas, puisque moi au contraire, j’ai trouvé : et je dis merci à notre vengeance, je chante le meurtre, je danse le meurtre… je ne suis que haine ! Et finalement, quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent « Mais comment fais-tu pour être aussi inhumain ? », et bien je leur réponds très simplement que c’est ce goût de la vengeance qui m’a poussé aujourd’hui à rayer les noms de cette très longue liste, mais demain qui sait ? Peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi…
[Je vois Buddy en train de secouer la tête… J'ai peut-être un peu digressé.]
S'il y a une chose que je déteste, c'est rester en place. Je suis pas là pour jouer les Excalibur bien sage et rester dans mon enclume. Ce qu'il me faut, c'est du combat. Je me sens à ma place chaque fois que je désosse des trucs et que je mords dans la chair… Hmmm, un vrai délice! J'en frissonne à chaque fois. Mais vu que les gens ne sont pas aussi impulsifs que moi, il faut bien les pousser à bout. Je crois qu'à force, j'ai dû prendre le pli - on fait souvent remarquer que je suis aussi blessant avec les mots qu'en vrai. Il faut me comprendre, je suis toujours d'humeur belliqueuse. Et croyez-moi, quand je menace, je tiens toujours mes promesses.
Mais je sais aussi faire preuve de sang-froid, et je crois bien que c'est dans ces moments-là que je suis le plus dangereux. Si je ne suis pas en train de vous insulter de tous les noms, c'est sûrement que je me dis que vous me seriez bien utile dans une combine ou deux, mais ne vous inquiétez pas, je n'aurais aucun scrupule à me débarrasser de vous une fois que j'en aurais fini. Je fais ça très proprement, vous verrez.
Sauf si vous êtes une humaine et que vous êtes charmante. Je me suis vraiment pris d'affection pour les humains, hormis ces vermines que l'on a juré d'exterminer Buddy et moi, et je crois bien qu'on est d'accord - les femmes sont une compagnie nettement plus agréable que les hommes, et même le fait d'être une épée ne m'empêchera pas de verser de belles paroles à une jolie minette, surtout si c'est une contractante potentielle… Bon, c'est toujours un prétexte pour mes combines, mais quand on peut allier l'utile à l'agré…
Buddy, qu'est-ce que tu fais?! Hé, non, fais pas ça! Je toucherais pas aux filles! Promis juré! Repose-moi!

Mon histoire

La guerre. Elle ne change jamais.
On était sept contre sept. Je ne me souviens plus des noms. Buddy est le seul qui soit encore à peu-près intact après cette saleté de nuit. Mais on a tous laissé quelque chose là-bas, dans le désert… Lui, c'est sa voix. Pauvre diable… Dire que c'est lui qui m'a rafistolé. Je suis tout ce qui reste de son unité. Je comprends sa peine et sa colère. Et je la partage.
J'ai de vagues images qui reviennent dans ma banque mémorielle, mais ça s'arrête à cette nuit-là. Je n'ai aucune donnée sur nos années de service à la solde des Maîtres. Je n'ai même pas tant que ça l'impression d'être venu de par-delà les étoiles, non, mon monde, c'est ce bout de terre aride et morne, celui dans lequel je suis né, celui dans lequel j'ai été forgé pour faire payer cette infâmie aux cloportes qui le peuplent et se cachent sous ses pierres.

Tout ce dont je me souviens, c'est qu'on était six, plus Buddy - dont je ne me souviens pas du nom. Unis dans l'adversité, unis dans nos choix, soudés comme les sept doigts de la main. On s'était jurés de ne plus jamais nous laisser dicter notre conduite, on s'est rebellés, on s'est alliés aux humains. On a juré de les protéger.
Et pourtant, parmi eux, il y en a sept qui nous ont trahis.
Sept salopards, sept mécréants qui se sont moqués de notre parole. Ils ont fait ce que les Maîtres nous auraient dit de faire. On était des machines venues de l'espace, des tueurs qu'il fallait tuer avant qu'on ne le fasse nous.
Alors ils ont perverti notre confiance nouvellement trouvée et ils nous ont massacrés.

La suite est un peu floue. Je ne sais pas comment Buddy a fait pour s'en sortir, dans l'état où ils l'avaient laissé. Mais je le vois nettement ramasser un à un les bouts des corps de ses camarades détruits. Ma vision est un peu brouillée - beaucoup de bugs graphiques, je ne vois pas bien ce qui se passe. Mais je le sens trainer les carcasses avec le pauvre bras qu'il lui restait. J'étais dans un état second. Panique, peur, angoisses, questionnement. On est des machines, on a été créés pour tuer. Pas pour mourir. Tiens, maintenant que j'y pense, qu'est-ce que ça fait, de mourir? Je ne sais pas.

Buddy a sauvé ce qu'il a pu de l'IA de ses camarades. Il a réussi à les souder au manche de sa lame, ce sacré diable. Il a erré pendant des jours, il a maintenu leur conscience en vie pendant qu'il méditait sa vengeance. Et maintenant, je suis là. J'ai répondu à son appel, j'ai entendu les échos de la rage qui secouaient ses vieux rouages. Son désir de justice et de représailles a insufflé en moi une vie nouvelle pendant que les IAs de ses confrères convergeaient en une seule sous l'action du fer à souder et du tournevis.
Je suis Sever Six. Ce nom est l'hommage que je fais aux amis de Buddy tombés cette nuit-là. C'est un nom plein de rage. Je l'aime beaucoup. Je m'en veux de ne pas me souvenir qui j'étais avant d'être moi. Je m'en veux de n'être pas les amis que Buddy aurait dû avoir. Je suis tout ce qu'il lui reste d'eux. Alors je partage sa vengeance.
"Je retrouverais ceux qui t'ont fait ça. Je massacrerai leur famille et leur descendance. Je ne trouverai le repos que lorsque notre quête aura pris fin." Ce sont les tous premiers mots que j'ai prononcé lorsque j'ai ouvert mon œil à la pleine lune. La liste des noms est longue. Mais j'ai tout en mémoire, gravé dans mon disque dur. Sept familles maudites, condamnées à subir la vengeance de Sever Six. Pour que l'âme des amis de Buddy trouve enfin le repos. Car oui, nous, les machines, on a une âme.

Les temps ont passé. La liste s'est allongée. Plus on poursuit une vengeance, et plus on s'aigrit. Vivre dans cet endroit est une lutte de tous les jours. On tue pour survivre. On tue pour gagner notre vie. Quelle différence? Nous sommes mercenaires. J'ai arrêté de compter les années qui passent depuis le début de notre quête. à quoi bon? Un jour, elle prendra fin. Ce jour-là, j'aurais effacé tous les noms de la liste, cette liste qui ne cesse de s'étoffer plus vite qu'on ne parvient à la rayer. On vend nos services, on n'est pas payés… C'est un nouveau nom à graver au fond de ma mémoire.
C'est fou que l'on arrive encore, malgré tout à croire à la bonté des humains, après tout ce temps passé à essuyer leurs mesquineries et leurs trahisons. En fait, ils me fascinent. On ne sait jamais ce qu'on va trouver, mais c'est toujours une surprise. Est-ce qu'ils sont dignes de confiance? Est-ce que je retiendrais leur nom? Est-ce que je prendrais plaisir à les éventrer quand ils se croiront plus malins que nous?

Il y a eu ces humains. Ces humaines. Ces créatures rares, exceptionnelles qui nous ont permis de nous lier à elles. Elles nous ont permis d'atteindre notre plein potentiel. Ils appellent ça un Contrat… C'était un moment magnifique. Notre rage magnifiée, notre puissance florissante, décuplée… L'ennui, c'est que ces créatures sont très inégales. Les humains sont faillibles - et contrairement à nous, ils ne respectent pas toujours leurs propres paroles. Ce genre de trucs, ça travaille profondément Buddy. Je crois que c'est un traumatisme ou quelque chose du genre. Je le comprends… Moi aussi, j'aurais peur de tomber sur un autre humain comme ceux qui nous ont trahis cette nuit-là. C'est dur, vous savez, de prendre cette décision. à plusieurs reprises, il a fallu que je débatte longuement avec lui. Mais on arrive toujours à la même conclusion, peu importe le contractant. Plus jamais ça. Mieux valait nous débarrasser de la pourriture avant de revivre une autre nuit.
Tuer notre contractant n'a jamais été facile. Mais c'était un mal nécessaire. Un sacrifice inévitable.
Buddy et moi sommes une arme au service de la vengeance. Seul un cœur infaillible peut prétendre à nous dégainer. Car si c'est un cœur traître qui s'empare de nous, alors nous nous retournons contre lui. Son nom s'ajoute à la liste.

Et puis, de vous à moi, ça m'arrange bien… Je me suis toujours arrangé pour retrouver une contractante plus mignonne que celle d'avant. Heheh. Si je m'écoutais, il me viendrait bien à l'esprit de piéger l'ancienne contractante pour la faire briser son serment, si ça peut me permettre d'en trouver une plus jolie. Mais eh, ne le répétez pas à Buddy. Il ne comprendrait pas.

Sever Six & Buddy - Nombre de victimes actuel: 57

Mes caractéristiques