Et bien, je me considère comme séduisant et je m’entretiens pour arriver à ce résultat. A l’aide de chapeau, j’évite d’exposer ma peau blanche au soleil, il ne faudrait pas devenir halé comme un Caibos ! J’ai d’ailleurs plusieurs hauts de forme de couleur sombre, avec un détail changeant suivant le modèle, qui espérons me donne un air mature. En effet, avec mon manque flagrant de moustache, de barbiche, bref, de poil au menton, j’entends souvent dire que je fais assez jeune. Je ne suis pas très fourni de nature alors je préfère m’épiler les poils épars plutôt que de tenter de les faire pousser de façon disgracieuse et désordonnés. Mais chut, cela ne fait pas très viril d’avouer une telle chose.

Mes cheveux bruns sont coupés courts, par esthétisme et praticité, rebiquant un peu ce qui me donne, je l’espère, un air jeune, décontracté et festif. Que l’on voit que j’aime m’amuser contrairement à mes parents très… Stricts. J’ai de jolis yeux bleus clairs charmants et charmeurs, encadré par des sourcils tout ce qu’il y a de convenable. Des sourcils quoi, ce n’est pas la partie de mon anatomie qui m’interpelle le plus, tout comme mes oreilles. Je n’y porte pas vraiment d’attention sauf quand je vois des personnes aux oreilles décollées, et là je suis bien content de ne pas avoir ce genre de disgrâce. J’ai un grain de beauté sur le menton. Je ne l’aime pas mais il paraît que cela rajoute à mon charme, alors cela me conforte.

Au niveau de la carrure, l’on voit que je suis bien nourri et que je ne souffre pas de carence et la pratique occasionnel de l’équitation me donne un peu de muscle, mais rien qui ne puisse rivaliser avec des armoires à glace. Je mesure un mètre soixante-quinze, ce qui est honorable sans forcément être très grand, et un peu plus si on compte le chapeau. Je suis souvent bien habillé avec haut-de-forme, chemise, veston, pantalon et chaussure. La mode est à la sobriété, mais j’aime porter des vestons un peu plus colorés histoire d’apporter une pointe d’originalité. Quand je sors de façon plus incognito, je laisse tomber les hauts chapeaux et les vestons, ne gardant que la chemise (et un manteau selon la température) et j’ose même déboutonner deux boutons. Si j’avais à partir en voyage, je choisirais mes affaires solides d’équitation.

Cornelius est clairement un citadin. Élevé dans une famille s’étant enrichie via le commerce des chapeaux de qualité, il ne manqua de rien matériellement et un précepteur fut chargé de son éducation. La vie lui est facile, son avenir tout tracé : il reprendra l’entreprise familiale un jour, et fut éduqué dans ce sens. Le jeune homme est poli, courtois en société, s’arme de sourire charmeur avec les jolies filles et ses parents sont tout à fait certain qu’un jour une dame élégante marchera à son bras. A bien des égards, le Desmond à tout du gendre idéal, héritier acceptable, mari sympathique aux yeux des autres. Certain le trouveront assuré, hautain, voir un poil arrogant. Il est vrai que l’élégant jeune homme se rapproche plus du dandy que du cow-boy et est confiant sur son charme physique.

Cornelius ne connaît pas la difficulté. Bien sûr comme d’autres enfants avant lui, il fit des caprices, roula par terre et fut vite maté par son père pour ce genre de comportement. Tant qu’il file droit alors tout va bien pour lui. Il mange à sa faim, est assez éloigné des usines pour respirer un air à peu près sain, il a de l’argent de côté, des connaissances, un toit. De fait, il vit un peu dans sa bulle de protection et la violence n’est pour lui que de l’écriture sur la Toile ou les journaux. Ca n’arrive qu’aux autres. Il est du genre à penser que l’argent résoudra tout ses problèmes. Par conséquent, Cornelius ne serait pas très débrouillards livré à lui-même, et assez craintif devant un combat.

Moulé dans son environnement, Cornelius considère les pauvres et les Caibos comme inférieur à lui. Non pas par méchanceté, surtout par mimétisme, répétant ce que sa figure paternelle a comme comportement avec eux, il trouve cela normal. Son avis est moins net quand à la place de la femme, surtout parce que d’après les journaux certaines hors-la-loi pourraient très bien lui mettre une rouste sans faillir. En fait Cornelius aurait très bien pu être le fils que ses parents espéraient sauf que… Il commence à douter.

Son doute commença à s’insinuer en lui à la puberté, s’accentuant à la majorité. Jusque-là, il lui paraissait naturel qu’un couple respectable se fasse entre un homme et une femme, comme on lui a appris, et ainsi qu’il aurait plus tard des enfants. Découvrir que le charme des demoiselles laissait plutôt froid lui fit remettre en cause ses connaissances. Et de fil en aiguille son avenir. Il essaya de se forcer, en réalité qu’une fois, mais l’écœurement fut si fort qu’il prétexta un mal de ventre pour prendre la poudre d’escampette. Alors il se mit à reconsidérer les plans de ses parents. Le mariage. Les enfants. Ce qu’il veut vraiment.

Il commença à montrer le bout de son nez en ville un peu plus, aller au marché pour lui est déjà une expédition ! Cornelius cherche un peu d’excitation dans sa vie dans laquelle il se sent à l’étroit. Ses amis, du moins ses connaissances par intérêt, commence à le faire se sentir seul, faute à une blague sur les couples « anormaux ». Et si ils savaient ? Si on père savait ? Son ventre se tord à cette pensée. Il en a peur. Il n’ose pas encore défier son autorité. Il n’osera sûrement jamais lui dire que ses rêves sont peuplés de chevauchés avec des cow-boys plutôt que jeunes filles dans les prairies.

Le jeune homme est baptisé et il ne lui viendrait pas à l’idée (tout seul du moins) de remettre en cause le Culte du Patriarche. Il va à l’Eglise le dimanche – même si il lui est arrivé de sauter parfois ce « rendez-vous » quand son père n’était pas là – mais commence toutefois à se demander si, puisque l’Horloger régit les engrenages de la vie de chacun, il était donc prévu que son destin soit d’être attiré par les hommes. Après tout, il ne peut pas s’être écarté de ce que le Patriarche avait comme plan pour son existence, cela requerrait des pouvoirs divins ! Alors pourquoi cela serait-ce mal ? Le Vodoun par contre ne lui inspire que méfiance. Il ne connaît que les préjugés et pense que ce sont des pratiques terrifiantes.

Cornelius est un bon menteur, surtout envers lui-même. Il se persuade et persuade les autres que tout va bien, restant dans son rôle de citadin modèle. Une façade s’écartant de plus en plus de la réalité, son cœur et son corps rêvant d’un peu plus de piment dans sa vie. Mais paradoxalement c’est un peureux. Un voyage en train le stress déjà terriblement faute aux attaques de bandits possibles. Lui le premier il ne sait pas comment il réagirait si l’on attentait à sa vie ! Néanmoins il ne veut pas aller au Paradis sans avoir gouté les plaisirs charnels, de fait, acculé, il pourrait avoir un élan de courage.

Il aime pratiquer de l’équitation, cela le lui fait se sentir un peu plus aventurier, un peu plus sûr de lui. Et au moins les chevaux ne répéteront pas ses petits secrets. Cornelius s’imagine plus rebelle un instant avant de revenir à la demeure familiale et reprendre sa place. Toutefois, petite « rébellion » de sa part, il n’aime pas du tout son prénom, le trouvant trop vieillissant, et prend l’habitude de se présenter à des inconnus avec le surnom de « Neil ». Les IMR aussi lui inspire un paradoxe. Distrayant à regarder tant que c’est loin, mais il n’aimerait pas se frotter à eux !

« Joyeux Anniversaire Cornelius. »

Avec solennité, Edgar Desmond, mon père, lève son verre afin de me porter un sobre toast. Ma mère Sherley, effacée comme à son habitude, fait de même et je finis par les imiter avant de boire mon verre. L’ambiance est morne autour de cette table et je préférerais être ailleurs car je sais la question que mon père va poser et qui ne tarde à arriver :

- Vingt-trois ans déjà Cornelius. Toujours pas de fiancée en vue ?

Que je déteste mon prénom ! Je suis quasiment certain que mon père fait exprès de le prononcer deux fois en cinq minute rien que pour me faire grincer mentalement des dents. Avec son bouc grisonnant et ses cheveux mi-long, il incarne la figure patriarcale avec un peu trop de zèle. J’ai besoin d’air. Pourtant je reste stoïque et aimable :

- Pas encore père. L’Horloger ne m’a pas encore fait rencontrer l’élue de mon cœur.

- C’était déjà le cas l’année dernière. Es-tu sur de faire assez d’effort ? Le Patriarche n’amène pas de solution toute prête. Tu es peut-être passé à côté.


- Peut-être…

Alors qu’au fond de moi je sais que je ne serais jamais en couple avec une femme. Sauf par convenance éventuellement et nous ne serions pas heureux. Ma mère ne dit rien, se contentant d’approuver d’un signe de tête mon père. Malheureusement pour moi je suis fils unique. La grossesse de ma mère fut difficile et, même si elle va bien maintenant, elle ne peut plus donner naissance depuis lors. De ce fait, j’ai encore plus la pression. J’espère que les mariages de mes cousins et cousines sauront les satisfaire ! Je tâche de changer le sujet de conversation :

- Les nouveaux modèles de chapeaux se vendent bien ?

Les chapeaux, une valeur sure, aussi bien en sujet de conversation que financièrement. Les Desmond avaient commencé une centaine d’années auparavant en ayant une petite fabrique puis s’étaient spécialisés dans les chapeaux haut de gamme pour hommes élégants et demoiselles mondaines. Haut-de-forme et capelines étaient les meilleures ventes mais il fallait sans cesse renouveler en apportant de nouvelles touches pour éviter d’être mangé par la concurrence. Bien sur mes ancêtres avaient utilisés des esclaves dans leurs usines de fabrication de feutre et même avec l’abolition de l’esclavage la main d’œuvre pour les matières première étaient des Caibos majoritairement. Mais qu’ils ne se plaignent pas ! Ils sont mieux payés que pour certains emplois et pour cause : même si ils sont sauvages, il faut leur donné envie de rester et non d’aller voir d’autres employeurs pour aller répéter des secrets de fabrication. La guerre contre les IMR faillie détruire notre commerce mais avec la Reconstruction, il y a toujours eut des gens pour avoir envie d’un beau couvre-chef.

- Pas encore. Si les ventes ne décollent pas nous allons devoir arrêter la production de ton modèle.

Je suis un peu déçu. J’avais simplement pensé à mettre un ruban jaune à la place d’une couleur sombre histoire d’égayer un peu les chapeaux mais visiblement je suis un styliste incompris. Comme nous n’avons plus rien à nous dire, je mange le rôti apporté par un domestique. Nous n’en avons « que » deux, après tout nous ne sommes pas ultra-riche, juste assez pour avoir une vie confortable mais pas assez pour affronter une éventuelle faillite sans sourciller – ce qui j’espère n’arrivera pas, le Patriarche nous en garde ! Mes pensées se perdent et finissent dans le haras, auprès de la jument Cinder. Elle n’est pas à moi, je paie pour y aller, mais c’est ma favorite avec son tempérament calme et posée, elle est rassurante, presque comme une mère pour un enfant. Elle commence à se faire âgée, j’espère pouvoir la racheter et lui donner de beaux jours dans le calme d’un jardin mais j’ai peur de ne pas avoir assez de place. En la brossant, j’ai commencé à parler à Cinder à lui dire mes problèmes.

L’on pense à tort que je n’en ai pas. Mais en réalité organiser des petites soirées entre « amis » commence à me dégoûter. Parce que ce sont des hypocrites avec des masques, comme moi en sommes, et j’ai beaucoup de mal depuis qu’ils ont fait une plaisanterie idiote sur les hommes préférant les hommes. Je ne me sens pas à l’aise, comme si l’on pouvait le découvrir en me regardant. D’un autre coté j’ai envie de pouvoir le dire sinon… Et bien… Comment découvrirais-je les plaisirs de la chair, je ne veux pas mourir vierge ! Je n’ai pas fait vœu de chasteté pour rejoindre un prieuré à ce que je sache. Mais je m’égare. L’avenir me terrifie. Ai-je peur que ma routine soit brisée ou au contraire que rien ne se passe et qu’une fois au Paradis l’on dise de moi que j’étais terne et… fade. Décidément l’ambiance de mon anniversaire ne me réussit pas. Essayons d’égarer mes pensées ailleurs !

Le New Providence Mechanical Championship par exemple. Je le suis un peu, comme tout le monde depuis sa création. Je trouve cela plutôt… violent, mais au moins il n’y a pas le droit de tuer ! Certains regardent cela pour la beauté des combats, par fascination pour les IMR, pour parier et se faire de l’argent mais moi c’est plutôt pour lorgner sur certains combattants musclés aux mouvements maîtrisés. J’aimerais aussi être valeureux et avoir du charisme. Etre classe. Ne pas avoir une petite appréhension en allant faire du cheval ou être mort de trouille en prenant le train à l’idée que des bandits puissent attaquer. Fichu Outlaws, si seulement ils n’existaient pas ! La Confrérie devrait tous les éliminer pour que l’extérieur soit plus sûr. J’ai quand même appris à me servir d’une arme à feu, un pistolet, mais que en entraînement. J’espère ne pas avoir à l’utiliser en situation réelle !

Après ce diner silencieux et maussade, je prends mon couvre-chef et j’informe mes parents que je vais à la gare consulter la Toile pour y voir les dernières actualités. Et surtout pour échapper à l’ambiance morose mais ça je le garde pour moi.