Mon physique

Une silhouette de danseuse, menue et flexible, comme un roseau. Elle n'a rien d'une bête de combat, jusqu'à sa taille ordinaire, coincée entre le mètre soixante-cinq et le soixante-dix d'une croissance qui n'a pas complètement abouti. Les cheveux au carré d'un blond clair n'ont rien de remarquable, pas plus que deux yeux en amande d'un bleu sombre et qui semble presque brun parfois. Sa peau a une carnation de lait gâchée par quelques rougeurs ici ou là. Ordinaire jusque dans une corpulence moyenne, elle ne créé pas de vagues. Jolie, sans être belle. Mignonne sans être séduisante. Snow est de ces gens qui ne marquent personne, puisqu'elle est bien ordinaire en somme. Sauf les gants peut-être, qui attirent l'attention sur des mains de pianiste aux longs doigts fins. Ces gants, qu'elle n'enlève devant personne semblent plus une coquetterie un peu malséante lorsqu'on lui demande de les quitter et qu'elle soutient, une lueur farouche dans le regard, que cela ne sera pas nécessaire. Puisque l'on ne peut la forcer, l'on accepte. Parfois gantée de noir, parfois de blanc, parfois même de rouge et de bleu roi, elle assortit sa coquetterie modeste à ses tenues jamais tapageuses. Car Snow ne voudrait pas se faire voir, parmi la foule, parmi le bataillon. Elle ne sera jamais la première, jamais la dernière non plus. C'est une fille du milieu, qui préfère qu'on l'oublie.

Mais sous le daim et les tissus, il a ces pauvres mains brisées, les chairs ravagées par le feu, des doigts jusqu'aux coudes et même un peu au-delà. La chair cicatrisée en d'affreuses concrétions, qu'elle dissimule farouchement aux regards, quitte à attendre que tout le monde dorme pour laisser sa peau respirer. Si elle parvient à les mouvoir, les doigts et poignets ont une raideur particulière qui lui ont autrefois donné de la peine pour simplement tenir ses couverts mais qu'elle entraîne sans relâche pour donner l'illusion de n'avoir aucun handicap. Jamais une plainte, jamais un son : Snow garde son triste secret pour le seul à le connaître. Elle fuit les contacts plus intimes, les poignées de main qui la blessent, préférant un salut militaire plus commode.

Snow est parfois un peu coquette, cherchant une approbation de ses pairs dont elle a manqué, mais paraît plus une souris un peu terne de fait de son manque de discussion et on oublie bien souvent qu'il y a en elle un charme discret et pugnace, caché dans des yeux changeants. Elle parle peu, d'une voix tout ce qu'il y a de plus ordinaire pour une femme : ni trop grave, ni trop aiguë, bien qu'un peu rauque, parfois facilement essoufflée, les poumons sifflants, tentant de se cacher. L'on peine à se souvenir de Snow, qui se masque bien souvent derrière cette banalité rassurante. Derrière son apparence fluette et son manque de forces ainsi que d'endurance qui ne sont guère le fruit du hasard lorsque l'on connait son histoire, Snow est dotée d'un sens de l'analyse et de l'attention rare et il est bien peu de détails qui lui échappent.

Mon caractère

Elle ne parle que peu, cette fille souvent cachée derrière la haute silhouette de son I.M.R, que l'on retiendra bien moins que ce dernier. Ce n'est pas tant de la timidité que l'impression de ne pas savoir quoi dire à ses semblables qu'elle connait bien trop peu. Snow s'efface volontiers, perdue derrière un livre ou simplement plongée dans ses pensées. Elle essaye parfois de se mêler aux autres mais se retrouve bien souvent de celles qui ne savent plus que dire et qui suivent passivement les discussions des autres. Pourtant, elle est une personne aux passions tenaces et aux savoirs pluriels, puits de sciences et de savoirs sagement compulsés, elle qui a grandi loin des hommes. Elle sait bien des choses qui ne devraient être narrées aux terriens. des savoirs perdus, des langues anciennes esquissées, de lointaines tropiques violettes et plages de corail rose. Des choses apprises par une entité venue de fort loin qui fit l'éducation de cette enfant perdue puis trouvée.

Passionnée d'astronomie sur son temps libre, Snow a souvent le nez vers les étoiles lointaines d'où est tombé celui qui fut un père, un ami et un mentor pour une toute petite fille mourante. Les complexités mécaniques des I.M.R lui sont familières et elle est parvenue à un degré de symbiose impressionnant avec son compagnon robotique. Le lien entre eux est ancien et né à un âge ou le coeur et l'esprit fusionna plus fort que tout : ainsi existe-t-il entre Snow et son I.M.R. une osmose qui en font un duo d'une efficacité redoutable, l'un compensant les faiblesses de l'autre sans même avoir à se parler. Le lien empathique exploité à son plein potentiel semble parfois proche de la chimérique télépathie : ce ne sont pourtant que deux êtres se connaissant par coeur.

Snow cache donc une personnalité plus affirmée qu'on ne l'imagine à la voir si peu à l'aise en société, manquant en vérité de pratique avec l'humanité et leur multitude, se noyant souvent et n'osant finalement jamais se lier amicalement. Car comment réussir à ne pas trouver toute interaction amicale bien fade lorsque l'on vit une totale fusion d'esprit et d'âme avec un autre être ? Les vastes espaces sauvages furent son terrain de jeu d'enfant, elle qui survécut au pire sans jamais le mentionner. Car ceux qui savent les terribles handicaps physiques de la jeune femme se comptent sur les doigts d'une seule main tant elle prend grand soin de n'en rien montrer. Les talents de pisteuse de Snow ainsi que son esprit logique et tactique en feraient une meneuse parfaite si elle n'était si discrète et soucieuse de ne pas trop en faire, comme si elle craignait que cela mène à ce point de non retour où on lui en demanderait trop pour son corps fragilisé et qu'elle doive dévoiler la vérité de son handicap. Persuadée que sa situation physique conduirait à son rejet de la Confrérie, elle le cache depuis des années pour ne pas avoir a être soit reléguée dans un service administratif, soit simplement remerciée. Bonne au tir - au prix de violentes douleurs à cause du recul des armes, que Snow préfère légères, elle est surtout efficace en infiltration et en planification méticuleuse.

Sous le vernis terne se cache une grande fierté et une pugnacité extraordinaire. Snow n'est pas de ceux qui se laissent aller, allant toujours de l'avant, jusqu'à s'oublier elle-même. Elle prend son rôle de Chevalier très au sérieux et cache que ce fut depuis toujours une vocation d'enfante traumatisée par le massacre des siens. Elle a à présent le pouvoir de protéger d'autres petites filles terrifiées comme elle fut autrefois et cela lui donne la force de tout affronter. Dans le fond, Snow est une fille idéaliste rêvant d'un monde plus juste où les gens n'auraient plus peur de l'obscurité.

Mon histoire

Elle est née en hiver, la fille Summer. Troisième petite fille d'un couple de simples éleveurs de moutons, dont le ranch modeste participait à l'essor de la région. Elle est née avec la neige tardive, dont elle porta le nom : Snow. Fillette de l'hiver et de l'été unis en un seul être. La petite aux cheveux platine était une enfant joviale, qui grandit sans heurts au sein de la fratrie. Des visages, le son de voix qu'elle peine à recomposer. L'écho d'un rire de l'une ou l'autre de ses aînées. Quelques réminiscences parfois, au travers d'une odeur, de la sensation d'un cheval sous elle. La première fois qu'on l'a posée sur la selle quand elle était toute petite et pas peu fière d'être devant son père - monolithe sans visage dont le temps à gommé les traits pour ne garder que le sourire. Le parfum de sa mère a depuis longtemps disparu de sa mémoire, remplacé par la sensation du coton de ses jupons sous les doigts.

Tout paraissait immuable, facile et serein. Elle n'était qu'une toute petite fille qui avait tout à découvrir.

Depuis, les cauchemars rémanents ont remplacé la musique unique des jours heureux. L'odeur de fumée lui rappelle bien plus le lieu qui fut sa maison que le foin fraîchement coupé. Les hurlements sont autant d'éclats qui brisent le miroir des rires d'enfants.
C'est un drame ordinaire, comme il en existe parfois dans la sauvagerie de l'Ouest. Un ranch isolé et peu gardé qui fut la proie d'une bande de bandits lâchés sur les lieux comme les vautours sur une charogne.
De l'attaque Snow se souvient surtout des flammes qui prennent dans la grange où on a balancé sa sœur et elle. La plus grande subit plus que des coups, la mère aussi. Le père baigne déjà dans son sang, le visage emporté par un coup de shotgun. Les deux petites se tapissent l'une contre l'autre comme des lapereaux terrifiées, impuissantes face aux hurlements de la mère et de leur sœur, qui finissent par se taire pour un affreux silence. Elles tremblent d'angoisse tandis qu'un type balance une torche sur la paille : pas de traces, pas de témoins. Pas de survivants.

Le feu dévore tout. Il fait fondre la neige de sa peau d'enfant, dévore ses bras, emporte sa sœur, qui parvient tout juste à pousser la plus petite à l'extérieur par la porte en feu qui s'écroule déjà. Snow tombe face dans... La neige. Haute, dense, celle d'un hiver ordinaire, presque déjà fondue à proximité du brasier. Elle rampe, la petite, sans savoir qu'elle se sauvera ainsi la vie malgré le froid qui succède à la fournaise. Dans ses vêtements bouffés par le feu, cette entité implacable dévoreuse et gloutonne, la petite grelotte mais s'éloigne. Ses bras ne sont que souffrance, elle peine à les bouger avec les vestiges de chair fondue - atroces vision de ses propres membres devenus comme étrangers. L'enfant perd connaissance à seulement quelques mètres du drame, gisant dans la poudreuse.

Elle alternera ainsi phases de réveil et de délire mais... vivante. Pour combien de temps ?

Dans la tempête de neige qui hurle comme un loup affamé de chair, se découpe une silhouette plus noire que l'obscurité, faite d'angles impossibles et qui fixe le petit corps déjà bleui de froid mais qui redresse bravement la tête à son approche. Toujours pas morte, elle s'accroche à l'étincelle de la vie : elle n'a pas renoncé et le désir de vivre brûle encore dans les yeux bleu sombres de l'enfante. On l'emporte. Elle oublie et perd de nouveau connaissance.

Les semaines se transformèrent en mois de rémission, confiée à un petit village. Par qui et pourquoi ? Il est là, en marge de ses réveils, même s'il promet sans cesse qu'il va partir bientôt. Celui qui l'a sauvée a des bras de métal et des leds plutôt qu'un regard. Il est plus grand que le plus grand des humains de la petite bourgade mais l'enfante n'a pas peur. Parce qu'il l'a sauvé. Malgré la souffrance épouvantable de ses bras, malgré le temps aléatoire qui défile et conduit les humains à la confier à l'orphelinat local - un bâtiment banal qui regroupe quelques malheureux comme elle tenu par une matrone peu locace. Elle est sauvage, l'enfant blessée, aux bras épouvantablement brûlés dont il faut apprivoiser la douleur et l'essoufflement causé par la fumée. Elle ne parle à personne... personne sauf lui. l'I.M.R au nom imprononçable pour une petite fille de ferme revient la voir sans cesse, même lorsqu'il dit qu'il doit partir. Et puis un jour, peu après une rémission approximative de la petite fille, au coeur d'un printemps plus clément que l'hiver de feu et de fumée... Il l'emporta avec lui et Snow quitta le monde des Hommes pour de longues années.

Le Lien fut une évidence qui n'avait même pas besoin d'être nommée. Les bras passé autour d'un cou de métal froid, une petite fille apprit à vivre dans un monde sauvage. Il fut son protecteur. Il fut les bras difficilement utilisables. Il fut son professeur. Il fut son ami. Il fut son père. Un drôle de papa, qui ne comprenait pas grand chose à l'humanité mais qui avait choisi d'élever une fillette humaine orpheline. Quel drôle de duo que cette gamine maigrichonne qui cheminait dans le sillage d'un robot...

Snow grandit ainsi, sans y prendre garde, car le temps est une chose si différente entre les mortels et les machines. Elle apprit à pister, à analyser, à traquer. Elle apprit la patience du chasseur - celui qui ne craint ni le froid, ni la fatigue, ni la faim. Elle apprit la logique froide et dénuée d'impulsions sentimentales. Elle apprit de l'Intelligence Mécanique et lui enseigna en retour la sensation d'un baiser d'amour sincère posé sur une grande main de métal, la chaleur de bras qui enlacent. Elle lui apprit ce que certains humains ne comprendraient jamais : la fierté d'être un père.

L'enfante devint adolescente, puis jeune adulte. Souvent, elle avait observé les jeunes de son âge rire et s'amuser ensemble. les amoureux s'embrasser. Souvent, elle avait soupiré. Souvent elle avait dit : "plus tard, j'aimerais rejoindre la Confrérie et sauver ceux qui n'ont pas eu ma chance !"
Plus tard... Ce temps élastique n'avait pas court pour celui qui partageait son âme et sa vie. Elle avait vingt-quatre ans et des regrets dans les yeux dès qu'elle paraissait dans un village. Alors, puisque le coeur de Snow se ternissait de chagrin d'être l'éternelle vagabonde auprès de celui qui ne suffisait plus à tout remplir, vint le temps de rejoindre les semblables de la jeune fille.

Snow intégra donc l'académie militaire qui la propulserait vers un poste à la Confrérie. Si elle avait été médiocre en tir et en épreuves physiques, elle avait été si excellente aux autres tests pour l'admission qu'elle parvint à être intégrée. Pour la première fois, Snow découvrit la vie en communauté avec ses semblables. Souvent solitaire par habitude, elle ne parvint jamais vraiment à s'intégrer et si elle tenta parfois d'approcher ses camarades de promotion, elle tenait à garder le secret de son handicap - craignant un rejet violent tant ses propres membres la dégoûtaient - et partageait avec son I.M.R. un lien trop fort. Comme tout semblait fade à côté... Même ses quelques coups de coeur pour de jeunes hommes étaient voués à l'échec, les relations sociales de la jeune fille mises à mal par la présence dans son esprit de cette figure paternelle qui demeurait à ses côtés.

L'idée de se mêler aux autres était peut-être voué à l'échec mais Snow ne se découragea pas : elle parvint à obtenir son grade de Chevalier, aidée par un médecin militaire qui, attendri de connaître l'histoire de la jeune femme, ne fit pas mention de son handicap dans son rapport. Snow faisait tant d'efforts pour seulement écrire que sa pugnacité à manier des armes à feu malgré les douleurs que cela lui engendrait forçait l'admiration. Elle aurait sans aucun doute été promue directement Chevalier-en-Chef si elle n'avait été si moyenne - comme si elle craignait de laisser voir une facette d'elle façonnée par ce père qui demeurait éternel. On ne voyait en Snow qu'une fille réservée, voir effacée, qui faisait simplement sans travail, ni plus, ni moins. Peut-être était-ce par retenue. Peut-être parce qu'elle craignait si souvent qu'on la démasque, qu'on la relègue dans un service administratif quelconque... Cela n'aurait alors plus aucun sens : son rêve était de protéger. Son rêve était d'un jour pouvoir protéger au moins rien qu'une fillette apeurée, comme en écho à son propre passé où elle avait eu la chance d'être choyée par l'être le plus improbable qui soit. Par ce père de métal qui ne pourrait mourir comme ceux qui avaient été sa famille...

Ainsi évolue-t-elle, cette jeune femme étrange aux yeux parfois hantés, discrète et souvent cachée derrière ce père qu'elle adore mais auquel elle aimerait parfois pouvoir fermer son esprit...

Mes caractéristiques